Pourquoi nous devrions tous nous inquiéter de la situation à l’Université Laurentienne
L’année 2021 passera à l’histoire en raison de nombreux records peu enviables. Parmi ceux-ci, la première des universités financées à même les deniers publics – l’Université Laurentienne (UL) – à déposer une demande de protection contre ses créanciers en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC).
Fondé en 1960, l’Université Laurentienne et ses établissements fédérés ont transformé la ville minière de Sudbury, la capitale du nickel, et d’autres communautés du Nord de l’Ontario en centres diversifiés d’innovation. Maintenant, à la suite des nouvelles en provenance de la Laurentienne, ces efforts de longue date visant à enrichir la région arrivent peut-être à leur fin ou devront subir une importante transformation.
Le « lundi noir » du 12 avril, l’université a annoncé lors de réunions de groupe Zoom la mise à pied de 41 membres du personnel de soutien, 36 membres du personnel administratif, près de 100 professeures et professeurs et la fermeture de 69 programmes, y compris 28 programmes en français, touchant des centaines d’étudiantes et d’étudiants. Le plan de restructuration ayant été créé sous un bâillon imposé par la cour en vertu de la LACC, l’université ne sera pas tenue de respecter ses obligations en matière d’indemnité de départ, incluses dans les conventions collectives ou la Loi sur les normes d’emploi. L’Université a même éliminé les prestations de congé de maternité des employées enceintes mises à pied.
La décision de l’Université Laurentienne d’entreprendre le processus en vertu de la LACC a forcé l’Association des professeurs de l’UL et le Syndicat des employé(e)s de l’UL de voter sur de nouvelles conventions collectives, sous les menaces de l’administration de fermer l’université si les membres rejetaient celles-ci. Les deux groupes ont ratifié ces conventions, avec réticence.
L’Université Laurentienne était particulièrement fière de son mandat bilingue et triculturel (anglais et français et dotée d’une approche complète à l’éducation autochtone) lorsqu’elle recrute des étudiantes, des étudiants et du personnel, cependant, les coupures actuelles démontrent qu’il ne s’agissait que de vaines paroles. L’impact sur les étudiants, les étudiants, le personnel et la région complète touche de façon disproportionnée les groupes à la recherche d’égalité, comme les Premières Nations, Métis, Inuits (PNMI) et les Franco-Ontariens. Située sur les terres ancestrales du peuple Atikameksheng Anishnawbek, L’UL a unilatéralement mis fin à son entente de fédération avec l’Université de Sudbury, menaçant ainsi la prestation du programme pionnier en études autochtones. Où pourront se diriger les étudiantes et étudiants qui désirent poursuivre des études autochtones en français? L’Université élimine également le seul programme de sage-femme bilingue au Canada et le seul programme du genre dans le Nord de l’Ontario. Ce programme était auto-suffisant puisqu’il accueillait toujours un plus grand nombre de candidates que le nombre de places disponibles. Si ce n’est pas pour des motifs purement financiers, pourquoi l’UL sabrerait ce programme de sage-femme bilingue, unique et couronné de succès?
Bon nombre des coupures visent la culture, la langue et les programmes éducatifs franco-ontariens, qui ont formé des générations de dirigeantes et dirigeants francophones, contribuant à des taux réduit d’assimilation. Ces programmes ont mené à l’élargissement des occasions éducatives en français partout en Ontario, particulièrement dans 12 conseils scolaires francophones, dont huit emploient des travailleuses et travailleurs en éducation qui sont membres d’OSSTF/FEESO. Les coupures aux programmes francophones de la Faculté d’éducation pour les qualifications intermédiaires et supérieures viendront empirer la pénurie de personnel enseignant francophone qualifié pour enseigner des sujets précis dans tous les conseils scolaires de la province.
Ross Romano, diplômé de l’Université d’Algoma, député provincial MPP pour Sault Ste-Marie et ministre des Collèges et Universités, a indiqué lors d’un débat d’urgence en soirée au sujet de la situation financière précaire de l’UL que la province ne fait pas partie du processus en vertu de la LACC et il a refusé de prendre en considération toute solution proposée par les partis d’opposition.
La crise de l’UL n’est pas le résultat de la pandémie incessante, comme bon nombre peuvent le prétendre, mais a été causée par des années de sous-financement, exacerbées par la gestion administrative à l’UL. L’Ontario est au dernier rang au Canada en matière de financement par élève pour les universités qui ne reçoivent que la moitié de leur financement du gouvernement, la plupart des établissements dépendant des droits de scolarité des étudiantes et étudiants de la province et de plus en plus d’étudiantes et d’étudiants des autres provinces canadiennes et internationaux.
À la suite de la décision du gouvernement Ford, en 2019, de faire d’importantes coupures au RAFÉO, de réduire les droits de scolarité de 10 pour cent et puis de rendre ces réductions permanentes, les universités ont dû trouver d’autres moyens d’aborder les déficits budgétaires structurels occasionnés par Doug Ford. Le gouvernement Ford a apporté des changements aux modèles de financement postsecondaire futurs en renégociant les Ententes de mandat stratégiques (EMS) qui décrivent en détail les priorités sur lesquelles chaque université doit se concentrer au cours des cinq prochaines années. Le gouvernement a choisi de mettre en place un modèle de financement fondé sur le rendement, par lequel d’ici 2025, un maximum de 60 pour cent des budgets de fonctionnement seront fondés sur le rendement de chaque université, en fonction de 10 mesures établies par le gouvernement.
Ces changements entraîneront un financement moins stable et les universités auront peut-être recours à réduire la prestation de programmes non viables sur le plan financier, dans le but de mitiger le risque de se buter à des difficultés financières dans l’avenir. Les universités savent maintenant que le gouvernement Ford ne les appuiera pas si elles se trouvent en difficulté financière, alors cela donnera lieu à des mesures de réduction des coûts dans l’ensemble du secteur postsecondaire de l’Ontario. Un nombre réduit de programmes diversifiés et une situation d’emploi davantage précaire pour les professeurs et le personnel de soutien mineront les jadis merveilleux établissements d’éducation postsecondaire, dans chaque région de la province.
OSSTF/FEESO préconise une meilleure transparence et surveillance relativement au financement des universités et comment les Conseils d’administration à chaque établissement attribuent ces fonds. La Fédération travaille en collaboration avec la Fédération du Travail de l’Ontario et d’autres organismes syndicaux à la campagne de défense des intérêts Save Our Sudbury, pour venir en aide au personnel et aux étudiantes et étudiants de l’Université Laurentienne. Une partie de cette collaboration consiste à étudier des options autres que le processus de la LACC pour aborder ces lacunes dans le financement qui menacent d’importants programmes postsecondaires qui, comme nous le voyons à l’UL, touchent de façon disproportionnée les étudiantes, les étudiants et les communautés de groupes à la recherche d’égalité, comme les femmes, les Premières Nations, les Métis, les Inuits et les Franco-Ontariens.
Il est encore temps d’agir avant que les créanciers s’entendent sur un plan de restructuration. Appuyez la campagne de la Fédération du travail de l’Ontario pour sauver l’Université, en vous inscrivant sur le site Web de la campagne et en communiquant avec votre député fédéral et votre député provincial pour leur demander d’agir immédiatement, avant qu’il ne soit trop tard. Comme la devise du quotidien Le Droit l’indique, un symbole du courage et de la détermination des Franco-Ontariennes et Franco-Ontariens, L’avenir est à ceux qui luttent.
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